Au XIXe siècle, le
voyage au Caire, deuxième ville après Rome pour l’exceptionnelle
concentration de ses monuments, faisait partie du « grand tour » de nombreux
artistes et architectes. Avec les édifices andalous et persans, l’architecture
du Caire médiéval occupe une place centrale dans la découverte de l’art
islamique. Les institutions patrimoniales européennes conservent ainsi des collections d’œuvres graphiques et
photographiques de très grande valeur, dont l’intérêt est à la fois
scientifique, artistique et, en raison de la disparition progressive de ce patrimoine architectural, historique. Ces fonds rassemblent parfois la seule documentation encore subsistante sur des
édifices disparus, très dégradés ou radicalement transformés. Ces collections
riches, variées et au caractère souvent unique restent cependant à peu près
invisibles et inexploitées faute d’une indexation appropriée. Ce type de corpus soulève des difficultés
particulières de traitement en matière d’identification et d’indexation, en raison des
multiples variantes issues de la translittération, en caractères latins, des
toponymes arabes. Il existe en effet de très nombreuses disparités dans
l’orthographe des noms des monuments et cette « cacographie » demeure
problématique pour le traitement documentaire et l’interopérabilité des
données. Le laboratoire InVisu a donc
établi un référentiel sur les monuments du Caire, sous la forme d’une table
de concordance qui recense les variantes orthographiques des toponymes, et qui permet d’identifier, de décrire et de
localiser les 600 édifices classés du Caire. Les monuments ont été localisés dans la base de
données géographiques
GeoNames (plus de 400 monuments créés), ce qui a
permis de générer leurs coordonnées géographiques et d’exposer une
partie des données de ce référentiel dans le Linked
Open Data. Le projet Cairo Gazetteer
vise la mise à disposition, au niveau de la communauté européenne des
humanités numériques, de l’intégralité de ce référentiel en le publiant au
format SKOS (Simple Knowledge Organization System).
À chaque monument correspond un
concept SKOS (skos:Concept), identifié par un URI (Uniform Resource Identifier). Ce référentiel est multilingue : des termes préférentiels (skos:prefLabel) sont associés au concept en arabe (skos:prefLabel@ar)
et en français (forme courante, skos:prefLabel@fr).
Des langues « virtuelles » ont été créées pour les translittérations
normalisées : ISO 233-2 (1993) (skos:prefLabel@ISO),
et ALA-LC de l’American Library
Association-Library of Congress (skos:preflabel@ALA). Les
variantes des toponymes sont décrites comme des termes alternatifs (skos:altLabel@MUL) avec le code ISO MUL pour « multiple
langages ».
Ces variantes sont également identifiées par des URI afin de pouvoir indiquer
leur source bibliographique dans une note éditoriale. La typologie du monument
est exprimée par la relation à un terme générique (skos:broader), défini dans un thésaurus sur l’architecture,
en français, en anglais et en arabe,
aligné sur les référentiels de data.bnf, de la Library of Congress
et du Getty.
Le monument est associé (skos:relatedMatch) à son
fondateur (en lien avec les ressources de data.bnf, de la Library of Congress, de DBpedia, de VIAF et
de l’ISNI) et à son quartier (en lien avec GeoNames).
Le référentiel propose aussi un alignement
(skos:exactMatch, skos:closeMatch)
avec data.bnf, les Subject Headings de la Library of Congress,
DBpedia, VIAF et GeoNames.
Une notice descriptive (skos:definition) en français,
en anglais et en arabe mentionne la date de construction, la localisation
(adresse et coordonnées géographiques), le numéro d’inventaire, et indique s’il
existe des risques de confusion avec d’autres monuments.
Ce référentiel propose une solution innovante pour
le traitement des multiples variantes issues de la translittération des
toponymes arabes. Il répond aux besoins d’une large communauté scientifique
transdisciplinaire, en offrant aux historiens, historiens de l'art, architectes, restaurateurs, conservateurs,
bibliothécaires et iconographes, un outil pour l’identification, l’indexation
et la valorisation de fonds iconographiques et textuels relatifs aux
monuments du Caire.
Le projet Cairo
Gazetteer a été retenu comme contribution
de la France à l'infrastructure européenne de recherche Dariah. Il a permis la création et l’enrichissement
d’une soixantaine de notices d’autorités géographiques dans le catalogue de la BnF, pour l’indexation du fonds du photographe Beniamino Facchinelli
(actif au Caire de 1876 à 1895), traité en collaboration
avec le département des Estampes et de la Photographie. Il va également servir
à l’indexation de l’intégralité des travaux du Comité de conservation des
monuments de l’art arabe, qui vont être mis à disposition sur le portail Persée dans le cadre du projet Athar, lauréat de l’appel à projet BSN5.
No comments:
Post a Comment